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28 janvier 2013 1 28 /01 /janvier /2013 10:20

 

 

 

Thanks_for_futur1

Pour nous contacter :
thanksforthefuture@yahoo.fr


CARTOGRAPHIE D'APPARITIONS CRITIQUESCARTOGRAPHIE D'APPARITIONS CRITIQUES


Comme on dit, « Sans repères, On s'y perd ! ». Triste et ultime avertissement adressé à une génération qui arbore partout son augure pull à capuche, qui apparaît quand ça lui plaît, qui au lieu de pratiquer comme il se doit « le lèche-vitrine », saccage parfois tout sur son passage. Tristes débordements d'une jeunesse promise aux joies célestes d'une société d'abondance, et qui derrière l'écorce de toutes choses, ne découvre que le goût amer de la marchandise et du désenchantement.


Ce texte découle d'un ensemble de luttes, de trajectoires, de désertions, qui se sont concrétisées notamment autour d'un lieu. Une histoire qui n'est malheureusement pas vécue directement, ne peut être transmise sans être dite ou mimée. Qu'importe qui écrit, qui parle... Nous ne sommes ni les premiers, et encore plus joyeusement... ni les derniers. Ce qui importe, c'est donc de sentir, de rendre perceptible l'action du pouvoir, comme de ceux qui luttent. La mémoire nous fait parfois faux-bonds, les mots manquent pour traduire les points de non-retour franchis dans les luttes... « Beauté et faiblesse du sensible, quant l'intelligible a partout succombé. 


« Invente, et tu mourra persécuté comme un criminel ;
Copie, et tu vivras heureux comme un sot. »


Puisque dorénavant, toute contribution, toute construction quelque soit sa nature, n'est possible que dans l'étroitesse des relations qu'elle entretient avec le monde... C'est à dire avec le système-monde... Voici donc venu le temps, de nous assujettir également à une de ces injonctions. Injonction à s'identifier, à se définir, à transmuer une expérience sensible en un ensemble de codes et de valeurs partageables. Injonction à s'inscrire dans une histoire commune, à se l'approprier... Autant d'obstacles et d'embûches que nous étions jusque là, parvenu(e)s à esquiver pour simplement nous contenter de vivre cette histoire(s) commune(s).


« Thanks for the future ! » est un cri. Un hurlement né de l'expérience du chaos. Expériences contradictoires entre affirmation et construction de sa propre puissance, et appréhension de la fragilité d'un tel jeu. Expériences d'expositions et de replis. De dévoilements et de travestissements. Ce cri, loin d'être un signe de ralliement, est l'expression en même temps que l'incarnation d'une brèche dans l'ordre-social. 


« Dans la démesure des possibles, au milieu de ces nuitssans sommeil, l'épuisé ne cherche qu'a sortir de l'impossible.
Étant lui même l'impossible, il ne sortira de lui qu'en sortant de ce monde »


Plus qu'une pensée, ce cri se manifeste et apparaît dans le mouvement des agencements de pouvoirs qu'il bouscule. Dans leurs points de crispations, de tensions. Il se rend perceptible dans la sphère subjective et l'imaginaire de chacun, par le lent délitement des dispositifs de contrôle et de pacifications des désirs... Puis comme toute chose, il s'épuise. Son écho est destiné à se perdre lui même, dans la cacophonie des métropoles et de l'actualité surabondante.


Toutefois comme un courant électrique, ce cri circule aussi longtemps qu'il trouve des corps pour le véhiculer et le transmettre. À l'un des épicentres de ce cri se trouve une brèche faite de brique et de ciment. Un squat, une maison collective qui se transmet et porte les stigmates d'une histoire aux frasques plus invraisemblables les unes que les autres. Cette caisse de résonance, le pouvoir l'a généreusement laissée s'implanter au milieu d'une ancienne friche industrielle réhabilitée en locaux artistiques. Une voie de garage sous contrôle institutionnel,
pour "marginaux" en mal de création...


« Du plaisir de créer au plaisir de détruire, il n'y a qu'une oscillation qui balaye le pouvoir »


L'ensemble des ruptures qui se sont produites dans ce lieu a ouvert et continue d'ouvrir de nouvelles lignes de fuite, de nouvelles possibilités collectives. Toutefois que ce soit par l'orchestration d'une répression devenue routinière, ou par sa production quotidienne de misère, le pouvoir tente inlassablement de s'immiscer dans nos vies.


Venir au monde, c'est s'insérer dans un champ, un ensemble de pôles, de puissances qui tendent à conquérir des positions de contrôle, de monopole. Mourir au monde, c'est se défaire, délester notre volonté de vivre de ces schémas de dominations, de notre besoin de reconnaissance, de notre soif inextinguible de consolation, de sécurité, d'assurance, et de croyances serviles en un avenir, un empire radieux.


« Vous pensez pouvoir changer les choses, même un petit peu, et bien sachez que c'est prétentieux. »


Il faut bien souvent partir de l'ordre pour rendre perceptible la rupture qui en découle. C'est parce que tel ordonnancement ou tel ensemble de normes est devenu invivable, qu'il est déserté, combattu. Le déracinement qu'impliquent toutes frustrations et adaptations à la modernité « blanche-hétérosexuelle », nous a amené à développer nos propres singularités, nos propres cheminements, au-delà des ruines et de la bestialité de l'époque.


La métropole et la prolifération exponentielle de ses dispositifs ne cessent de croître et de s'étendre, jusque dans les profondeurs de l'être. Elle s'intériorise dans l'ensemble des rapports humains et se répercute dans le vide social, l'inflation du contrôle, la misère de la pensée, les techniques de gestion de foule, de pacification... Les dispositifs de pouvoir se trouvent dans chaque détail de l'urbanisme, dans chaque conversation. Nos prises à parti avec ce quotidien sont régulières. Nous tentons tout à la fois de démêler, de faire apparaître, de désamorcer ces agencements, pour pouvoir les contourner, les déjouer... Libérer de l'espace.


« Nous détruisons, non pour l'amour des décombres, mais pour la beauté des chemins qui les traversent. »


C'est parce que nous vivons dans une atmosphère suggérée de perpétuelles menaces, que tout geste doit s'accompagner de la certitude d'un futur « rassurant », quand celui-ci ne doit pas être « assuré ». L'angoisse collective est virale et oblige à vivre dans une constante anticipation du pire. Il nous faut dès lors participer au mieux, à la gestion des conséquences de nos propres déroutes. La polyvalence des représentations du danger nous contraint chaque jour un peu plus, à accepter de nous contenter de ce que l'on a. Le moindre mal, le moins mauvais-système, le vote-utile, le réflexe citoyen...

 

Comme une ultime trace d'un reliquat de dignité, nous nous refusons publiquement à admettre que notre inconscient, notre imaginaire collectif est de plus en plus envahi et habité par ce désir de catastrophe. Le désir et l'appréhension de la catastrophe civilisationnelle se confondent déjà presque totalement. S'il veut réellement réformer ce système-monde, le concept de l'éco-citoyen-responsable a de quoi faire... Nous avons petit à petit substitué le « désir de catastrophe » à celui « de changement ». Mais au final qu'importe le chemin qu'on emprunte, car c'est dans le mouvement qui détruit l'ordre existant des choses, que l'on trouve enfin des réponses.


« Impossible de rêver le futur, le seul futur est celui de l'expectative d'un désastre. »


Considérant l'immensité de la tâche à accomplir... Décevoir est devenu en soi un vrai plaisir. Il nous est nécessaire de ne pas apparaitre, là où on nous attend de pied ferme. De préférer investir de nouveau champs, bousculer de nouveaux équilibres, inventer de nouvelles méthodes, de nouveaux modes d'apparitions. En cela, nous ne mettons qu'en application les vieux principes militants qui préconisaient : « De déserter le vieux-monde et son système de représentations. »


Le pouvoir classifie et produit en pemanence de nouveaux rites, de nouvelles catégories de gens qu'il disqualifie automatiquement, en fonction de leurs niveaux de dangerosités supposées et de leurs esthétismes apparents... De l'anarcho-autonome, aux français d'apparence musulmane, du rom-fraudeur, aux banlieusards sans-papiers, la prolifération d'un tel discours autour des parasites, des indésirables, permet l'élaboration et la mise en place de nouvelles pratiques d'épuration et de nettoyage social.


« La parole est le monopole du chef.
Le jeu de l'écriture, c'est l'espace du silence. »


En renonçant quelque part au nomadisme, seul moyen de rester dissimulé aux yeux du pouvoir, nous avons du ré-investir de nouveaux champs de représentations. Finalement, c'est dans l'oeil du cyclone qu'on se trouve encore, le plus à l'aise. En cela, quoi de mieux qu'une ancienne friche industrielle pleine d'artistes, dont il nous a été relativement facile d'apprendre à mimétiser les codes. Un jeu de miroir, un travestissement dans un milieu qui passe son temps à se travestir, à s'adapter, à s'auto-produire, et à se mettre en scène selon les besoins du marché.


Toutefois la duperie n'a eu qu'un temps, la joie a eu ses débordements... Et les lignes de front se sont à nouveau durcies... Interdiction de concert, de soirée collective, arrété anti-manifestation, ronde et occupation des lieux par la police, coupure d'eau et d'électricité, plaintes, incendies volontaires... Sinistres réactions d'un ordre, qui ne trouve sa justification que dans son éternel volonté de conservation. Tout comme nous, le pouvoir a mille facettes, et c'est par celle de ses artistes zélés qu'il nous a répondu, comme pour singer sa réaction. Quand bien même les bouffons du roi en arrivent à vous cracher dessus...


« Pour (...celles et...) ceux qui aspirent ardemment à la puissance, il est indescriptiblement agréable de se sentir subjugué(e)s!
Se laisser arracher les rênes et contempler le mouvement qui emporte on ne sait où ! »


Cette répression quotidienne s'agence sur des dispositifs allégés, assiéger et couper l'électricité dans un premier temps, plutôt que perquisitionner et expulser immédiatement. L'ensemble des actions de ces micro-pouvoirs, chacun ou chacune pouvant y participer librement et apporter sa pierre à l'édifice, vise à nous rappeler quel est notre position sociale et notre rôle en tant que rouage du système-monde. À savoir pérenniser et reproduire les mécanismes de cette société capitaliste et ceux de la pensée dominante. Savoir se vendre, tout un Art, tout un Programme... Sans conséquence.


Parce qu'ils participent conjointement à la logique d'un monde où la pensée est complètement séparée des actes, où l'éthique fait office de bonne moralité. Parce qu'ils espèrent encore et contre toute attente, que la citoyenneté soit une liberté, et la loi... la garantie de celle-ci. Chacune ou chacun peut une fois mis en situation, se révéler tout autre que ce qu'il pensait connaître de lui même... En temps normal, ce sont des types-en-or, ces gens-là... Le pacifisme ne se diffuse, que là où l'insensible a déjà triomphé.


« Il faudra qu'il pense à sa future promotion toute sa carrière,
pour ne pas s'apercevoir que sa vie lui a toujours échappé. »


Brusque décélération du quotidien, ralentissement général de tous les flux, arrêt brutal de la machine... Rien de pire et de plus inconcevable pour l'ordre, qu'une grappe de “sujets heureux” qui tombe et prend le temps de s'arrêter. Le bio-pouvoir s'est autonomisé, il ne s'incarne plus désormais dans tel ou tel fonctionnaire, ni même dans un appareil d'État qu'il nous faudrait absolument abattre. Mais bien dans un ensemble de cadences, d'intensités, d'absence d'intensités, qui font que nous marchons en rythmes, ensemble(s). Toutefois, même si le pouvoir a toujours eu la capacité de se restructurer, la mécanique de ses engrenages n'en est pas moins soumise aux lourds protocoles de son fonctionnement.


Du point de vue de l'ordre, le temps perdu est une abomination contagieuse. Terreau des plus fertiles incivilités. Toute notre vie, on nous empoisonne avec des tâches inutiles et nocives. Lorsqu'enfin, le pouvoir nous donne l'impression d'être devenu étranger à nous-même, de perdre effectivement notre temps... C'est pour mieux nous le (re)vendre, nous apprendre à le rentabiliser, à l'épargner. Derrière la misère d'un tel quotidien, se cache une trivialité qui déverse avec délice son sadisme, sur des corps évidés de toutes forces, de toutes singularités.


« De sorte que la vie quotidienne est aussi la sphère de la démission.
La sphère du désarmement, de l'aveu de l'incapacité de vivre. »


L'État-d'exception généralisé justifie et produit les pires assauts, les pires intrusions dans nos quotidiens respectifs. Une banalité de plus, qui agit par cercles concentriques et étend constament la plus-value, la marge bénéficiaire du pouvoir-marchand. La vie quotidienne est amputée de toutes possibilités de communication (c'est-à-dire réellement partageable), celle-ci n'est plus que l'émanation d'un retranchement forcené dans la sphère du privé. La collectivité-sociable se résume au simple domaine de la séparation, de l'originalité feinte, du spectacle des fausses différences.


Si nous sommes aussi réticents à prendre corps, à définir ce qui nous lie, nous unit, nous pousse à nous rencontrer, à assumer les conséquences de ces rencontres, c'est que nous savons que face à l'injonction de transparence totale, de traçabilité, il nous faut rester insaisissable. D'où l'innommable, le jeu du silence, l'ombre des signaux, l'opacité de certaines communautés « en devenirs ». Un souci de protection à l'égard de ce que nous construisons. Non pas un contre-monde, ni même un autre-monde. Mais autre chose... qui nous pousse à agir librement.


« Tiens... c'est marrant un flic déçu, qui découvre un bouquin. »


Si ici et ailleurs, maintenant et toujours, nous menons ces combats, c'est qu'un jour quelque chose de sensible a bousculé notre quotidien. Une grève, une fête, une tempête, une altercation, une relation... Qu'importe. D'autres n'ont malheureusement pas eu cette chance, ils s'émeuvent pour une idéologie, un autre système-moral, une réforme... C'est dire le désespoir et la résignation qu'implique, une trop longue privation de liberté sur le cours d'une existence.


La métropole et son infrastructure rentabilise même ses propres marges. À n'en pas douter, même en-dehors du monde, il existe encore des cases, des concepts, des moyens pour se rendre utile, dans lesquelles notre peur de la solitude, nous pousse infatigablement à nous jeter tête la première... À corps perdu... Combien de temps, pouvons-nous survivre sans utilité, sans statut, sans rôle ?... Encore moins dira-t-on, que celui qui un jour prend la décision de s'arrêter sur une voie d'autoroute, juste pour admirer la beauté d'un paysage. Absurdité quelconque du temps perdu.


« Je suis anéanti, ou du moins changé jusqu'à ne plus me reconnaître, puisqu'en moi est anéantie la loi qui – jusqu'à aujourd'hui -me faisait ressembler aux autres comme à un frère. »


C'est dans les interstices, les ruptures, les brèches que nous nichons nos rires. C'est de celles-ci que nous faisons croître nos cris. Ils se répondent en échos, permettant alors d'estimer la distance qu'il nous reste à parcourir jusqu'à une prochaine rencontre, une prochaine effusion... Depuis ces lieux qui ont leurs propres temporalités, leurs propres agencements, nous tentons également d'investir le monde sensible, pour en modifier et en altérer les conditions. Les logiques s'enchaînent et se télescopent. Les bons fonctionnements, les bons vouloirs dérapent, déraillent... (À répéter cent fois, plus si nécessaire... )


Outre le fait qu'à chaque fois, il soit l'occasion de faire la fête, de provoquer de nouvelles solidarités, l'espace libéré est pour nous le moyen de conscientiser sensiblement des quotidiens, de les éprouver, de les rendre palpables. Toutefois, les conditions à l'oeuvre dans cette société, surtout à l'égard d'éventuelles prises de position quant à la vie quotidienne, poussent souvent un même mouvement à provoquer l'effet inverse. C'est à dire un rejet, une complète (ab)négation et hostilité à l'égard de ceux-ci. De nouvelles chaînes de docilités prendront alors le pas, sur une éventuelle émancipation. De nouveaux rôles à déserter...


« Vivre sans temps mort et jouir sans entrave sont des critères clairs pour démarquer d'un coté, ceux qui agissent pour le jeu et la jouissance, et de l'autre ceux qui opèrent en cautionnant la Fatigue de vivre. »


Notre lutte est bien celle de l'espace, par lequel et pour lequel nous dynamitons, nous dynamisons de nouvelles possibilités de communs. Espaces de vie, de perturbation, de création, d'expression des nouveaux devenirs collectifs. Sous couvert de principes de fonctionnalité et de neutralité de l'espace commun, l'Autorité-Publique élabore et planifie la production de sa pacification. Le souci de soi érige son emprise comme un véritable miracle démocratique, une pratique en soi de liberté (ou de son simple reflet) gracieusement offerte à tous et toutes. 


Les devenirs et l'organisation collective de tels lieux, de tels modes d'habitat, ne peuvent en aucun cas se résumer à un simple partage, une simple appropriation matérielle des lieux. Il présuppose et concrétise l'élaboration d'une mise en commun réelle, d'une mise en perspective possible, plutôt qu'une redistribution finalisée de ceux-ci. Ce n'est certainement pas, par nihilisme ou aliénation, que nous n'affirmons ne rien vouloir défendre, ni revendiquer du vieux monde. Mais bien plus parce que nos constructions et nos révoltes sont tellement imbriquées, impliquées elles-mêmes, que nous n'avons qu'a faire croître celles-ci...pour renverser et ridiculiser l'ordre.


« La meilleur chose qui me soit encore arrivée, c'est d'avoir pris la décision de te quitter... »


A-t-on déjà vu des terroristes, ou de telles potentialités, se pencher sur la question unanimement archaïque de savoir s'il vaut mieux semer en pleine terre ou dans des petits pots volés à IKEA. Foutaises... Ou peut être faut-il l'avoir vécu pour tout simplement le croire. Le Péril n'est pas tant celui de la violence légitime de cet État de fait(s), à laquelle une perpétuelle disposition nous a entrainés, non à nous habituer, mais à nous adapter. Le véritable danger se cache bien plutôt dans les faux espoirs qui nous limitent (eux aussi en devenir), la réitération, la reproduction des erreurs du passé... D'une “communauté maudite”.


Parce que nous venons au monde avec une soif ambitieuse et le sentiment d'impuissance que rien n'a encore été fait, ou réellement tenté, nous nous acharnons à libérer le peu d'euphorie qu'il nous reste, à déconstruire et à déchaîner ce qui entrave nos corps. Le pire reste encore, non pas de se constituer en force(s), mais en une machine de guerre implacable, qui pour libérer de telles potentialités, devra asservir et imposer la sienne. Pour s'y dérober, le sacro-saint devoir de sacrifice est une injonction qu'il nous faut sans cesse, à nouveau trahir.


« L'obscurité nous donne une leçon... qui justifie les pères, et les pères de nos pères, lorsqu'ils nous prêchaient le devoir et la routine. »


D'un côté, il y a la contrainte de la terreur totale qui opprime et nous maintient dans le désert ; et de l'autre la force autocontraignante d'un quotidien qui prépare chaque individu dans son désarroi isolé, contre tous les autres. Il est navrant, mais pas vraiment si étonnant de voir qu'une telle potentialité à libérer des intensités d'amour et de haine, de faire reculer concrètement le pouvoir, de s'opposer à une militarisation du quotidien, du territoire, fasse sensiblement si peur.


Ce qui empêche bien souvent de percevoir et d'entendre la chute, le chaos immédiat du monde... L'ultime rempart contre une telle puissance de désirs évidés se cache dans l'appréhension du désastre conditionné... D'un probable retour de refoulé... Du devenir-monstrueux... L'absence d'une neutralité confortable, qui nous ferait à nouveau prendre des risques, sentir le poids du troupeau, de la masse et de ses mécanismes fascisants... Un avant goût de l'éternel retour des choses...


L'achèvement d'une Communauté Inavouable


« Ce qui nous empêche de nous abandonner à un seul vice,c'est encore d'en avoir plusieurs. »


Il est parfois nécessaire de faire l'apprentissage du désert, pour pouvoir s'y retrouver. S'y abandonner, sans subordination à un quelconque art de vivre. S'affirmer aux travers de différents processus de gestation, de modes d'expositions de ce qui est sans cesse à rendre perceptible. Pourquoi s'arrêter brusquement alors? Pourquoi se redresser et regarder droit devant, comme si l'on avait enfin vu quelque chose ? Pourquoi un visage se crisperait-il à nouveau, au point que des yeux puissent s'emplir d'une lumière furieuse ? N'y a-t-il au fond rien de plus, que l'on puisse ajouter à l'ambiguïté du désert ?


Si... « ... On aime pas, on ne vit pas, on ne meurt pas, dans le rectangle blanc d'une feuille de papier ... ». Heureusement, aucun acte d'état civil, aucun fichage aussi élaboré et génétique soit-il, ne pourront jamais rendre compte, ni même informer le pouvoir de ce que nous sommes. C'est à dire ce qu'il considère devoir être... ses sujets. Le désert est une extension empirique de pouvoirs destinée à dissiper, à discipliner toute part d'ombre. Le vide vital et ardent d'un espace quadrillé, contrôlé.


De fait, il n'y a aucune place pour l'ombre et la sinuosité dans le désert. Tout y est apparent, jusqu'à une éventuelle puanteur de la vie. Une rationalisation optimale et coercitive, qui permet de maintenir ensemble les innombrables logiques, en vertu desquelles l'individu en arrive souvent à renoncer à certaines pulsions, à se soumettre au principe d'ordre dominant, de réalité majoritaire. Le désert est comme une forme unique, omniprésente. Une ligne d'horizon qui ne tolère pas de variété, mais seulement l'unicité.


Qu'est-ce qui captive si souvent nos désirs, si ce n'est le besoin d'ordre, d'unité ? La faiblesse... ou la promesse de force ? La beauté fusionnelle de l'icône, de l'image... La consolation de se retrouver dans un seul monde... Le repos de ne plus être confronté à la différence, la fin de toute question ? Je/Nous avons commencé en tout cela, sans même nous en apercevoir, sans même chercher à savoir où cela nous mènerait. Ignorant qu'une émancipation, loin d'être la résolution d'un phénomène unitaire, est la mise en jeu des communs, des consciences de ceux-ci, dans l'équilibre des différences.


C'est par expérience, de la démesure répressive et impérialiste de toute société de contrôle, que nous avons adopté une conception beaucoup plus large, de la multiplicité des luttes. Pluralité des lieux, des centres opérationnels, des thématiques et des moyens d'actions, de communications, de convergences. Ce qui permet dès à présent de conjuguer, de faire « tomber » dans le présent, un ensemble de pôles pour les impliquer et leur faire prendre (ou perdre) position. Une multitude de combats et de discours que nous portons sans plus attendre d'hypothétiques grands soirs, ou une quelconque insurrection généralisée, pour nous apercevoir alors que nous sommes démunis de toutes capacités à coordonner nos apparitions, de toutes pratiques d'ensauvagement et de sabotages effectifs.

 
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Pour l'instant, nous cherchons simplement à faire que chaque gestes, dans la lucidité de leurs limites, puissent être appropriés et transformés par d'autres. Il n'y a pas de sujet révolutionnaire... Il y a la nécessité, les nécessités, que chacun réfléchisse et attaque de là où il est. Car nous ne sommes jamais seul. Les échos nous font et en font d'autres. La contamination que nous représentons aux yeux de l'ordre nous le rappelle quotidiennement, même si celui-ci se trompe profondément sur ce que nous portons en notre secret. Il ne pourra jamais comprendre...


« Comment alors tout ce qui est devenu, a l'air malade. »


Nous ne pourront jamais comprendre le sens de quelque chose, de quelques phénomènes, si nous ne savons pas quelle est la force qui s'approprie cette chose, qui l'exploite, qui s'en empare ou s'exprime en elle. L'architecture d'un pouvoir a autopsié, à interpréter. « Une chose a autant de sens qu'il y a de force capables de s'en emparer. Mais la chose en elle-même n'est pas neutre, et se trouve toujours plus ou moins en affinité avec la force qui s'en empare actuellement. »


L'apparente neutralité qui subordonne tant de complaisance et de détachement à l'égard du cour des choses (aussi odieux soit-il), masque difficilement le dégout et la terreur de toute implication, de toute exposition à une telle réalité. Sans détourner le regard, pouvons-nous encore affirmer que la question n'est pas là... Ou serait-il plus judicieux de dire, qu'elle ne l'est malheureusement toujours pas... La neutralité est en soi une arme, et ce quel que soit l'usage que l'on en fait. Du coté de ceux qui possèdent, elle dédouane et exempte. De l'autre, elle résigne et condamne.


C'est parce que le Sujet-Roi conçu comme tel, a l'intime conviction d'être immunisé (de par sa naissance, sa condition, ou son mérite), qu'il consomme aussi naïvement et avidement tous les projets, tous les programmes, les engouements qui se présentent à lui... Parfois à l'encontre même de son propre intérêt, de sa propre rationalité. Toutefois plus son assurance en un éventuel paradis s'ébranle, plus il s'acharne, s'enrage, s'émeut. La neutralité comme objectif de stérilisation de tout potentiel subversif, comme processus d'aveuglement, a pour but de soulager et de rendre aussi acceptable que possible, l'omniprésence des dispositifs qui traversent le désert.


Le moralisme s'exporte mieux que jamais, en tant que pratique de colonisation et projet civilisationnel. Le capitalisme comme culte et célébration de la modernité dominante. Une procession permanente et culturelle qui exalte faussement des valeurs qu'elle a prit soin de rendre insaisissable au plus grand nombre, tel que le « libre-échange », le « libre-arbitre », la « libre-expression ». Elle dispose et transforme toute chose en marchandise, en fétiche inaccessible... Pire, toute singularité en citoyenneté ! Même le langage et la sexualité sont eux aussi re-codifié, re-conditionner en permanence.


Ainsi tout monopole aussi débordant et abondant soit-il, s'érige peu à peu en un désert. Un royaume qui exhibe, mais sépare aussi toute chose dans la sphère de la consommation. Une réalité dont la duplicité a vite fait de nous mener du rêve à la folie... « Innommable incandescence, de ce qui naît alors »... Si le commun est ce qui nous est le plus propre, comment faire pour ne pas le confondre avec les conditions, ou la trop simple reproduction des conditions de vie sociale qui nous sont imposées ? Bien trop souvent, nous avons laissé notre classe sociale choisir et vivre en nous, notre vraie vie.


Par-delà une trop simple et bienveillante compréhension, il s'agit plus immédiatement de mettre en action, d'agir avant même de devoir en prendre la décision, de repenser l'être de ce qui devient. Un processus de gestation qui ne commence, ni ne finit jamais de devenir. Substituer l'usage comme relation (qui se réfère aux choses en ce qu'elles ne peuvent devenir un objet de possession), à la sournoiserie du dispositif de propriété et de séparation. Une mise à distance perpétuel de l'histoire des vainqueurs et de ses fausses conséquences, de l'illusion d'un État Final. Que le présent coexiste avec soi comme passé et comme à venir. Ce que nous appelons faire un saut, chuter dans le présent...


« Ce qui compte, c'est ce qui est, et ce qui est, c'est ce qui apparaît. »


Le temps donc (hors du Temps). Celui de la profanation comme pratique de tout ce qui est à rendre à l'usage commun. A quoi notre être-ensemble(s) peut-il donc ressembler ? Comment partager les moyens matériels et les fins affectives sur un plan différent de ce monde ? Avec qui les construire ? Ces questions n'ont d'intérêts que dans l'expérience et les perspectives qu'elles impliquent. L'élaboration en gestation de nouveaux rapports, de nouvelles relations, à la hauteur de l'exigence qui nous anime et de l'attention que nous portons à l'autre. Une positivité donc, toujours en construction.


Toutefois toute communauté, toute affectivité, est non pour soi, mais en soi inavouable... Comme pour sauvegarder l'idée que toute collectivité, toute forme de vie, de mise en commun, ne conduit pas nécessairement à la perspective d'une tyrannie plus folle encore (qui viendrait un jour ou l'autre, nous désarmer à son tour...). Tout ce qui apparaît doit prendre garde à ne jamais se figer, au risque de se pétrifier et de finir dans une vitrine du musée des Vainqueurs... Pourquoi, sinon le fait de vivre à plusieurs, de partager un espace ou un temps commun, permet à la plupart de nous identifier à une communauté ? Pourquoi alimentons-nous ce schéma identitaire chez la plupart de ceux qui ne partagent pas de “modes de vie” au quotidien ? Dit-on d'une famille nucléaire qu'elle constitue une communauté ? Non. Et bien nous non plus...


Le jeu a un caractère trop souvent épisodique, après lequel la vie normale doit reprendre son cour. Voilà ce qu'il nous reste a enrayer, pour enfin ébranler dans ses fondements, l'organisation hiérarchique comme fatalité. Il ne s'agit pas tant de construire un réseau intrinsèque et auto-suffisant de communautés, mais bien plus, d'entrer en fusion avec un magma, à jamais insoluble. Une alliance comme effervescence, comme réseau de résistance(s)... Une collectivité comme tiers entre je et moi, pour se surmonter et être surmonté à son tour, pour vivre.


Il nous est apparu et nous apparaît bien souvent encore, qu'il n'est pas simple d'articuler et de dépasser de manière cohérente, fins et moyens, désirs et concepts, folie et raison, réel et imaginaire, personnel et politique. Non pas une ré-union des opposés, mais l'achèvement des séparations disposées pour nous affaiblir. Une coordination diffuse qui permette la multiplicité, au-delà d'une quelconque absence fusionnelle dans le collectif. Il nous sera toujours nécessaire d'affiner l'apprentissage et l'économie de cette force. Car que peut en effet, si ce n'est s'intégrer, se faire reconnaître, une puissance qui pour affirmer sa différence, a dû se compromettre et épuiser sa force... Une force qui n'agit plus, mais réagit seulement aux sources qui la dominent.


Une description mécanique d'une puissance en devenir, serait trop simplement inefficiente. Une vulgarisation et une mauvaise interprétation de plus, de ce qui n'est qu'un aperçu. Il ne sert à rien de précipiter, si ce n'est pour mieux anticiper. Dans la phase actuel de logique et de durcissement des techniques de maintien-de-l'ordre, il est nécessaire d'enrichir et de diffuser nos pratiques d'ensauvagements, de développer nos infrastructures par de nouvelles méthodes de mobilité, de voilements et de dévoilements... De multiplier les points de confrontations, de résistances, de blocages. Le renforcement par l'amplification et la multiplicité des solidarités, toujours à renouveler.


Une machine de guerre soit, mais diffuse comme un art des conséquences, et nomade à la manière de vivre dans un art des distances affinées. Car tout n'est pas affaire d'efficacité, ou alors ce ne pourrait être que dans une re-définition, une nouvelle affirmation de ce qu'est l'efficacité... Une efficacité qui nous donnerait peut être l'occasion d'inventer une autre sorte de bonheur. Et le bonheur n'est pas un but, il est moins et beaucoup plus que cela...


« En guise, de ce qui ne peut être conclu... »


Ce qui a commencé, ne peut simplement s'achever avec le sentiment qu'il fallait inscrire notre mémoire dans les dérisoires moments de nos luttes. Non pas comme répétition et fétichisme, mais pour que tout puisse encore continuer, comme transmission et renforcement de la pensée, de l'action, et enfin du partage de ce que nous avons encore à partager.


Le squat et la friche industrielle que nous occupons devrait d'ici peu, laisser place à un méga-projet immobilier. Différentes compagnies soucieuses de faire perdurer le spectacle et l'art de rue, ont depuis longtemps négociées les conditions de leur relogement.


Qu'il est ou non expulsion, nous continuerons d'affirmer notre volonté et la nécessité qu'il y est des lieux, des îlots de liberté, dans lesquels nous puissions exister pleinement, dans lesquels les exigences absurdes d'uniformité et de conformisme laisse place à la libre créativité de chacun. Des lieux dans lesquels la dimension collective n'est pas une prison, mais un tremplin, une incitation à l'ensauvagement, à la rencontre et à la débauche.


Heureusement, l’action coordonnée par la joie est contagieuse... À nous d'élargir et de renforcer les cercles de celle-ci. L'espérance et l'enthousiasme ne sont pas des substituts au bonheur, mais ce qui nous échoit en ce point d'impact précis, où le cour des évènements se courbent pour que nous puissions enfin arracher et mettre en jeu nos libertés.


L'EXODE IN-FINI


« Nous pressentons l'éternité indestructible de toute joie dans l'extase... »


Dans la tragédie grecque, l'exode est le dernier chant du Chœur. Celui par lequel la mise en scène des conflits est nécessairement vécus comme insolubles. « La tragédie antique est un triple spectacle : celui d'un présent (comme transformation d'un passé toujours en devenir), d'une liberté (que faire ?), et d'un (manque de) sens. » (R. Barthes). La tragédie contrairement à la providence n'indique en rien aux protagonistes, les chemins qu'ils auront à emprunter. Plus qu'une fatalité, la catharsis est l'essence de la tragédie : le déchaînement des passions, la mise en jeu des désirs de changement, de catastrophe.


« La lutte, les tourments, les destructions que subit le monde des phénomènes nous apparaissent alors nécessaire, vu le nombre infini de formes d'existence qui se précipitent et se  bousculent dans la vie. »


Le Chœur est ce qui rythme et intensifie par ses chants, le dialogue entre le récit et les actions. Le chant de l'exode (et non celui de la rédemption), est ce qui décharge la catharsis. L'effectuation d'une puissance qui soulève et fait vaciller l'ensemble de la tragédie comme machine infernale.


« En dépit de la terreur et de l'angoisse, nous goûtons le bonheur de vivre, non pas en tant qu'individus, mais comme élément de la substance vivante,à la fécondité de laquelle nous participons... »


Espace lisse et linéarité :


Plus qu'une finalité, l'embourgeoisement et la pacification des centre-villes sont des principes d'occupation du territoire. Ce qui caractérisent la prolifération et le durcissement des dispositifs de pouvoirs, c'est leurs fonctions de normalisations, plus que leurs aspects punitifs. La métropole, et les formes de vie qui en découlent, sont ce lent glissement vers une auto-régulation des corps et des flux.
« Aplanir » et « lisser » sont des manières d'aborder le contrôle du territoire, des mots d'ordre, des façons de penser le problème de l'espace et du contrôle des populations. On les retrouve un peu partout, dans les politiques de prévention situationnelle, les projets de réaménagement, les manuels de contre-insurrection.
C'est toute une architecture sécuritaire qui est à l'œuvre, et qui bourdonne par conditionnements, phénomènes de mise en conformité, d'inhibitions, pour endiguer toutes formes de concrétisations virales des rapports de force.
C'est en fonction du passé ou de l'avenir, que l'ordre se protège de la force d'irruption du présent. Néanmoins, plus les conditions restrictives qui caractérisent l'évolution moderne (contrôles, propriétés, tabous...) prolifèrent et se durcissent, plus elles rendent nécessaire l'expérimentation de situations qui lui échappent.
Le passage que nous connaissons actuellement, d'une guerre d'affrontement à une guerre d'évitement, est par la même, le glissement du concept de force-en-présence, au concept de force-en-puissance. « L’essaim est emblématique en la matière, car il procède par principes de non-linéarité, qui apparaissent en termes d’espaces, d’organisations et de temps » (E. Weizman).
Débordant le trop simple constat d'une débâcle, l'affrontement entre le dépassement, et la gestion d'un effondrement perpétuel, met en jeu le glissement de la pensée du bloc, vers la pensée de la dissémination. Loin d'être une réponse, ce type d'agencement relève plus d'une forme de respiration, une mise à l'écart de la foi en un plan de bataille logiquement structuré (linéaire), et un programme volontairement simplifié (lisse). Une nouvelle prise d'amplitude


Désertions et peuplements :


Aucun programme qui puisse nous réenchanter. Assurément, la ferveur pour les grandes entreprises de canalisation des révoltes a encore de beaux jours devant elle. Mais c'est comme si, tout le “mouvement social” se laissait prendre dans cet effondrement. Avec en son centre, le constat que la massification et son devenir-majoritaire ont désormais qu'une capacité limitée d'intervention sur l'économie politique et les relations gouvernants-gouvernés.
Les conditions du dépassement qui nous semble nécessaire se trouve bien en amont, dans la manière de concevoir comment un devenir(s)-mineur(s) se fait puissance ? Comment une résistance devient insurrection ?
Les rapports de force ne se caractérisent pas par le nombre de forces en présence, mais plus par ce qu'ils réussissent à mettre en jeu, et, par leurs mises à l'écart des modèles de vie dominants. Une minorité peut être bien plus nombreuse qu’une majorité, sans rien pouvoir changer de ses conditions d'existence.
D'un certain point de vue, il faut faire preuve d'une grande « immaturité », pour vouloir ainsi se constituer en un réseau de minorités non assimilable, et surtout chercher à le rester. Toutefois, cette immaturité résonne plus comme le fondement de ce qui peut entrer en subversion, que comme désirs de régression.
Les devenirs-mineurs traversent des domaines aussi différents que la division du travail, la rationalisation du savoir, la sexualité, le genre et le contrôle des affects... Ce qu'ils mettent en cause, c'est l'hégémonie des normes et des systèmes de domination, comme seul moyen « raisonnable » et « rationnel » d’organisation d’une communauté.
Constituer un monstre, un peuple de meutes, de tribus, c'est là le genre d'ambivalence qui semble désormais affecter notre génération. Une fuite certes, mais qui se concrétise par l'élaboration de résistances, qui se déploient selon les modalités du refus, de l’obstruction et de la ruse. « On esquive, on fait autrement, on se déplace et se rend indétectable, ininscriptible, insaisissable. » (A. Brossat). Non pas un replis, ni une quelconque marginalité, mais une brèche... béante et imperceptible comme les ravages de l'ineffable.
Les devenirs-mineurs engagent les subjectivités individuelles, mais en appelle aussi à la formation de collectifs. Cet ensemble de conduites de désertions, de rétivités se diffusent et se répondent entre elles. Elles s'organisent et se coordonnent sur un plan immanent, non pas pour écraser ce qui leur échappe (par structure d'assujettissement), mais par analyse et concrétisation des désirs, des besoins.
En tant que peuplement, ce que nous cherchons à conjurer, c'est la reproduction d'un Tout, qui masque le manque de possibilité et de cohérence interne. Un agencement et une recherche de subjectivités collectives, qui s’étendent sur plusieurs groupes à la fois, divisibles, multipliables, communicants et toujours révocables.


Persistances et résistances nomades :


Le but est simple : introduire des machines à explosion dans toutes les structures, y faire fuir les centres, pour être en permanence à la limite, sur les crêtes. L'ampleur de cette propagation dépend à la fois, de sa capacité à ouvrir des brèches, et de la possibilité de s'y associer librement. C'est par prolifération de groupes capables de s'entraider et de répondre à des besoins que nous nous agrégeons.
Les cantines collectives, imprimeries, scieries, maraîchages, dispensaires, etc..., n'en sont que les exemples les plus flagrants pour l'instant. Les problèmes de cette prolifération ne se posent pas en terme d'alternative entre spontanéisme et centralisme. Il n'y a pas lieu non plus de distinguer les formes de constructions ou de radicalités, d'une nécessité de lutte généralisée.
En tant que machine nomade, le problème fondamentale de cette désertion est celui du relais, plus que de l'élaboration d'une cité modèle. Elle procède par contagion et multiplication de points d'impacts, de contacts. Ses perspectives se dénouent par l'analyse en acte de ses désirs, pensées et actions, plus que par injonction et assujettissement de ceux-ci à des formes de paranoïa unitaire.
Au delà des retranchements intéressés derrière une icône, un monument, une idéologie, ou simplement un mode d'énoncé exclusif, la cohérence de ces machines se trouve dans la confrontation des forces et des caractères hétérogènes qui les composent. D'où l'impérieuse nécessité, de ne jamais se laisser écraser en tant que multiplicité.
L'antagonisme de la machine de guerre n'est pas à proprement parler celui de la « guerre », mais d'une indiscipline, comme vecteur de ce qui ne peut consentir à se conformer, à se mettre au pas, à s'uniformiser... Leurs lignes de ruptures, de fuite, s'incarnent dans le fait, qu'elles viennent conjurer le développement des dispositifs de pouvoirs (interne comme externe), et mettent en gestation ce qui pourrait les dépasser.
L'indiscipline des machines de guerre se manifeste par un ensemble d'organisations diffuses, polymorphes, caractérisées par un potentiel de métamorphose, faites de petits groupes qui se divisent ou se rassemblent suivant la contingence et les circonstances. À travers ce qu'elles mettent en jeu d'un coté, et paralysent de l'autre, ces machines sont des formes de résistances qui parcourent et agitent la société civile. Ce par quoi rien ne se sépare, mais au contraire, se trouve en mesure d'entrer en confrontation.


Épilogue :


Il n'est pas difficile de reconnaitre que notre temps est un temps de transition, de passage. Le vacillement n'est indiqué que par des symptômes isolés. Mais nous sommes pris dans un mouvement, une forme d'interruption silencieuse de la régularité. Nos certitudes, tout comme ce que nous connaissions du monde jusqu'à présent, se précipitent déjà dans le passé pour y être englouti. L'insouciance tout comme l'ennui viennent opérer des fissures dans ce qui subsiste de l'édifice du pouvoir et de son consentement... Fragment après fragment, ce monde laisse place aux doutes et aux pressentiments indéterminés que quelque chose d'autre, quelque chose d'inconnu est en préparation.


Les Compagnons Chevauchent Le Monstre CONTROLE


...Voici quelques brides d'une conversation interceptée lors de l'occupation militaire, qu'a connue l'une de nos villes...


... Nos relations tribales, notre engagement avec le monde, mais aussi les nouvelles techniques de surveillances et de communications nous informant à tout moment de la montée et de la chute de toutes choses, font que nous avons besoin d'une nouvelle expérience du réel... 


... Le carcan étroit et idéologique qui maintenait nos idéaux dans un firmament hypothétique et toujours étincelant, hors de ce monde et loin de nos vies, s'est depuis longtemps brisé. Leurs substances se répandent désormais, non plus en tant que promesse éternelle et incongrue de liberté, mais comme le miel : En Abondance...


... La révolution est dors et déjà permanente et présente. Elle se construit et se nourrit de multiplicité. Elle s'échappe et nous traverse parfois le long d'une ligne de front. Mais déjà partout, l'on recommence à se heurter au sens commun...


... Nous sommes tous des personnages en transitions, tenant parfois trop au passée pour être de l'avenir. Certes nous pourrions comme bon nombre de nos concitoyens, nous accorder un moment de répit et nous réfugier dans le confort de la délégation, partageant ainsi un maigre sentiment de devoirs bien accomplis. Et après tout, pourquoi pas... Si c'est leurs choix...


... Pourtant même la conscience la plus épurée et la plus repliée sur elle-même, semble déjà complètement embrouillée. « À espérer, à conspirer sa mort tout vivant est contraint. Non par la nature qui le parfait, mais par l'art et l'éducation qui le parfont. » Tout de même, quel odieux meurtre en soi, est-ce de ne pas se défendre. Nous voyageons parmi des Êtres rendus indifférents, étrangers à eux-mêmes, que l'on achève peu à peu en les séparant de leurs richesses passionnelles et créatives...


... Ce monde s'est enivré de sa propre cruauté et nous empoisonne en nous contraignant depuis trop longtemps au seul choix impossible: le Conflit ou la Résignation. Nous sommes tout à la fois dépositaires de l'histoire et historiquement dépossédés. La contestation de la société dans son ensemble est donc le seul critère, d'une libération envisageable...


... Cette aversion quasi capricieuse que nous éprouvons à nous définir, nous offre une liberté grandiose. Nous savons fort bien, un sourire au coin des lèvres, que si la société venait à nous comprendre, tout serait fini... Nous serions déjà paralysés. Ne pas communiquer est encore un moyen de communiquer, certes plus hostile mais plus efficace aussi...

 

... Nous agrégeons d'un exil à l'autre un ensemble de lignes de force, un maillage diffus que nous jalonnons de quelques signes imperceptibles. Les portes des squats ne sont-elles pas de ces gigantesques trous béants, que nous maintenons ouverts par-delà l'infini des nouveaux territoires paradisiaques...


... La discontinuité de notre présence a de quoi déconcerter en vérité, mais nous participons à tout cela comme en toute chose, avec un sérieux goût de démesure. L'angoissante question de la possibilité ne se pose plus. Il est désormais de ces moments, où le fonctionnement de la machine devient si odieux, si brutal, qu'on ne peut plus la nier, ou feindre d'avancer quoi qu'il en
coûte...


... La fête insurrectionnelle se propage partout, assaillant, dispersant et rebondissant aussitôt. Les techniques, les moyens et les limites se confrontent, se projettent et se réadaptent ailleurs. Il y a en apparence du romantisme à occuper ainsi la rue, à voler dans les magasins, se battre la nuit et faire l'amour le reste du temps. Pourtant ne meurt-on pas également dans le monde sensible ou sensiblement en-dehors du monde ?...


... L'ordre et son parti-pris sinistre en appellent à la Raison d'État. Le monstre contrôle nos identités jusque dans notre ADN. Et du néant surgissent et se multiplient ces horribles désirs de sacrifice. Nos menottes ne sont plus uniquement faîtes de métal, elles prennent aussi la forme de cellules neurologiques, de petites pensées névrotiques qui glacent le sang et nous anesthésient...


... Nous avons longuement appris l'art de jouer et de nous déjouer des conflits, afin de faire apparaître ces réalités sous-jacentes. Par la critique en acte, nous nous découvrons de nouvelles complicités. Chacun se révélant tant dans son rôle de gardien que de prisonnier...


... Certes, nous forçons parfois dangereusement le monstre, à se manifester dans son dispositif. Mais en toute vraisemblance, parti-pris et déterminismes mis à part, ne devenons-nous pas tout simplement ce que nous sommes ?...


... La société de l'abondance et de la propriété privée trouve sa réponse naturelle dans le pillage. Rien d'humain ne sera réalisé tant que des individus libres et agissant ne se seront pas décidés à reprendre radicalement en main leurs volontés de vivre...


... Par leurs intensités collectives, nous vivons et faisons croître les mondes que nous habitons, jusqu'à leurs rencontres... Notre grand projet, c'est celui de l'évasion généralisée... Si nous osons penser l'impensable, il nous sera plus facile de faire l'infaisable...


... À qui possède jalousement son bonheur contre celui des autres, je le prierai instamment de ne pas parler de la pomme dont il n'a encore goûté la saveur. Si à bout de souffle, vous ne pouvez suivre, alors ne jugez pas...


... « Thanks For The Future » ...


... Fin Des Transmissions ...
... Reprise Normale Du Cour De Nos Programmes...


Thanks_for_futur2

« Le désert se mit à reparaître tout entier et pour le retrouver ainsi, il suffisait simplement d'y être. [...]
Rien de plus que le pur nécessaire, hormis ce symbole d'une réalité, cet hurlement dont le sens reste indéchiffrable. [...]
Impossible de dire quelle sorte de hurlement.
Terrible en tout cas, furieux au point de défigurer un visage, de le déchirer, pareil à une gueule de fauve. [...]
Mais aussi joyeux, en quelque sorte de vous ramener en enfance.
Un cri pour blasphémer, pour signifier. [...]
Un hurlement plein de certitude, parfaitement absurde, au point qu'on y sent percer quelques vils accents d'espérance... »


PDF: Thanks For The Future

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