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21 octobre 2015 3 21 /10 /octobre /2015 11:20

La veille de l'audience du 19 octobre, où Erri De Lucca devait être fixé sur son sort, j'ai rencontré son ami Oreste Scalzone, qui me fit part de quelques unes de ses réflexions quant à l"affaire" .

Ecoutons le :

"Quand Erri a fait ces déclarations , j'ai tout de suite beaucoup apprécié ce geste. Non par réflexe de solidarité spontanée, car nous avons un rapport fraternel depuis nos histoires respectives dans les années 60/70, mais pour d'autres raisons typologiques .

Je trouve qu'il manque malheureusement dans la médiasphère, une attitude critique, révoltée, des luttes contre le TAV qui sont complètement passées à la trappe, sous silence, voire défigurées .

Un geste comme celui-ci n'a pas pour seul objectif un remue ménage pour éveiller les consciences. Bien sûr, on peut faire des considérations les plus pessimistes dans lequel ce cahotique système généralisé du monde actuel signifie pour le mental, sur les mutations anthropologiques qu'il produit pour aboutir à la servitude volontaire, il n'y a rien de pire.

Je pense qu'il peut déclencher je ne sais quelle réaction en chaîne , mais :

Il y a d'abord un problème spinozien, au sens camusien du terme : "je me révolte, donc je suis, donc nous sommes" .

Il y a aussi un aspect qui me fait penser au mathématicien Cavaillès lorsqu'il décida , pendant la Résistance , de partir pour le maquis malgré les tentatives de dissuasion de ses amis ("Tu devrais consacrer ton intelligence à la Science , ne pas faire comme ce qu'il s'est passé pour Evariste Galois").

Cavaillès leur avait répondu : "Ce n'est pas de l'ordre sartrien du choix, mais de l'ordre spinozien de la nécessité et je ne peux pas ne pas y aller"

Deuxièmement, sans m'ériger en interprète du geste de mon ami Erri, me référant aux nombreuses discussions que j'ai eues avec lui, je peux avancer que son geste n'est pas seulement une réponse à une question, mais relève d'une attitude profonde. Il dit que qu'il est légitime, c'est un outil, une arme nécessaire (avec lequel je me solidarise) .

Dans l'accusation dont il fait l'objet, on peut comprendre qu'il y a des pouvoirs articulés, des rapports de force, pouvant faire naitre des actes, comme par exemple ces quatre jeunes luttant aussi contre le TAV qui ont été arrêtés . C'est l'exemple-même d'une logique d'urgence , celle de l'article 270-6 du code pénal italien (le même depuis Mussolini !), dans le chapitre "Délits et crimes contre la personnalité interne de l'Etat", c'est à dire la constitution d'associations subversives visant les anars, les communistes, les socialistes et ...les pauvres.

Or, on est arrivé, dans la république démocratique d'aujourd'hui et dans ce cas précis, à ce "6" c'est à dire : si , indépendamment des moyens, une action (on peut imaginer, même les pressions verbales) parvient à entraver la mise en oeuvre des décisions d'un Etat ou des institutions nationales, le caractère de cette action est considéré comme terroriste !

Pour ma part, je pense qu' Erri rejoint la phrase de Descartes dans "Note pour une morale provisoire" : "Tâchez d'être à la hauteur de ce qu'il nous arrive".

Erri a eu l'idée d'utiliser une forme d'action qui fait partie de l'outillage, de l'arsenal de la non violence active, illégaliste qui est ce que Thoreau prônait dans "Désobéissance de l'ordre civil" (réduit plus aujourd'hui à "Désobéissance civile" ) : une forme de lutte dans une véritable guerre pour des raisons éthiques

Ce que Gene Sharp expliquait dans "Théorie de la guerre non violente", c'est à dire une violence, non contre des personnes mais contre soi-même. Frantz Fanon avait aussi cette même logique contre la répression qui finit par une lutte plus large.

Dans les cas de Fanon, il s'agit concrètement de guerre, mais dans d'autre cas c'est une forme d'action non légaliste, une action directe non violente par rapport à d'autres.

En France, par exemple, ce fut le cas du "Manifeste des 121" (des intellectuels utilisant leur statut avaient déclaré avoir hébergé des insurgés algériens ou des déserteurs de l'armée coloniale durant la guerre d'Algérie) ou le "Manifeste des 343 salopes" (lors de la bataille pour l'avortement qui aboutit à la loi Veil dans les années 70)

Or, en ce qui concerne cette campagne menée en France pour Erri De Luca, j'ai une perplexité.

Je suis allée plusieurs fois aux lectures des écrits d'Erri dans diverses librairies, elles furent nombreuses à Paris et sans doute aussi en France.

Comme forme de solidarité active, elle traduisaient une réelle émotion, sans doute une bonne occasion pour entendre la parole, l'expression de l'écrivain. mais à part cela, je n'ai pas trouvé de réflexion un peu critique pour essayer de placer les choses en avant, par exemple de souligner le rôle d'une forme d'oppression des pouvoirs publics et de la société des chemins de fer français, qui s'est déclarée partie civile, demandant dommages et intérêts,(.Il y a donc ne participation directe de l'Etat, en la personne de Monsieur Hollande, qui fait intervenir l'exécutif dans une action pénale" !)

Mais furent tues dans ces diverses rencontres, lectures et signatures les raisons pour lesquelles Erri a déclaré çà : attirer l'attention sur ce paradoxal procès, entamé à Turin, qui avait commencé par l'incarcération des quatre jeunes accusés de sabotage, d'actes précis, dans une intention terroriste de faire échouer un projet sacro saint de rationalité économique !

Si l'on veut parler d'Erri et de son geste, il ne faut aussi parler de ce procès contre les jeunes et contre la TAV.

Erri est poursuivi, non par ses écrits, mais parce que sa déclaration est un geste de solidarité avec la lutte.

Il ne faut jamais l' oublier".

Aujourd'hui, nous apprenons avec joie qu' Erri de Luca, est relaxé ; il n'ira pas goûter de la zonzon, mais, mais....

Le projet continue et la bataille aussi, de plus belle, du moins, je l'espère.!

Eva Loc Kua

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commentaires

E
Il semblerait que la phrase " tachez d'être à la hauteur de ce qu'il nous arrive"serait de Gilles Deuleuze, dans "A philosophy of the event" et ce, à propos de la "morale provisoire" de Descartes<br /> <br /> Eva Loc Kua
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